La réussite du Skerry (plus de 40 exemplaires naviguent en France à l'été 2013) m'avait déja poussé à en tester une version un peu agrandie (voir Projet "Grand Skerry "), et je souhaitais depuis longtemps étendre ma gamme de "voile-aviron" car je suis de plus en plus certain que ce type de bateau est le plus amusant et le plus polyvalent.
Skerry "standard"
En effet, ces petits bateaux sont bon marché, faciles à transporter et à mettre ou sortir de l'eau, et se prêtent donc aussi bien à une sortie occasionnelle qu'à de petites croisières en camping cotier. Ce sont de bons marcheurs à la voile, et ils sont assez légers pour se passer de moteur auxiliaire. Surtout, ils permettent de profiter au maximum du simple plaisir d'aller sur l'eau...
Dernier point, les voile-aviron ne requièrent pas de place de port, chère à la location et de plus en plus difficile à obtenir. Certes, ils sont tributaires des cales de mise à l'eau, qui deviennent de plus en plus difficiles d'accès du fait de la politique étrange des communes du littoral. Mais les plus légers parmi les voile-aviron peuvent souvent de passer de cale de mise à l'eau : un simple chariot et un bout de grève suffisent.
La légèreté est donc un atout capital de ce type de bateau. Par contre, une trop grande légèreté peut être un handicap sur l'eau, et la présence de réservoirs de ballast permet d'ajouter un peu d'inertie à des bateaux qui seraient trop volages.
J'adore le Skerry (dessiné par John C. Harris, comme la plupart des bateaux visible sur ce site), sur lequel j'ai beaucoup navigué, que ce soit sur le "standard" ou sur le "grand". Sa finesse en fait un bateau vif et rapide à l'aviron ou sous voile, et sa forme évasée le rend raide à la toile et incroyablement marin, fidèle à son héritage de bateau de pêche du nord de l'Ecosse.
Skerry "standard"
La taille du Skerry me semble idéale, car un bateau de 4.60 mètres de longueur se range encore assez facilement dans un garage (où il peut être suspendu au-dessus de la voiture) et ses panneaux de coque s'inscrivent dans deux feuilles de contreplaqué standard bout à bout. Sur l'eau, sa capacité maximum de trois personnes est adéquate pour la plupart d'entre nous, bien qu'une quatrième place soit parfois souhaitable, et le nouveau bateau l'offrira donc. |
En conservant les paramètres de longueur (+3 cm) et de bau maximum (+8 cm), j'ai donc souhaité ajouter un tableau arrière afin d'augmenter le volume de la coque (et donc son déplacement, donc sa capacité de charge et sa "puissance" en terme de poids et de capacité à porter de la toile).
La dérive sabre du Skerry est la solution la plus simple, mais elle rend nerveux ceux d'entre nous qui aiment trop le "rase-cailloux" ou ceux qui naviguent dans des zones peu profondes (qui sont les endroits les plus intéressants, comme chacun sait). Elle sera donc remplacée par une dérive pivotante, dépourvue de pivot fixe, souvent source de problème. En fait, j'ai mis au point sur "Gandalf" une dérive qui est à la fois pivotante, et peut s'extraire comme une dérive sabre.
Je n'ai pas d'idées catégoriques sur le gréement. J'aime bien la simplicité de la misaine au tiers (une seule voile sur un mât non haubanné), mais un gréement de sloop aurique est une excellente solution du fait de la maniabilité apportée par le foc.
Au niveau de l'aménagement intérieur, pas de superflu pour rester le plus léger possible : un grand caisson étanche à l'avant et un second à l'arrière pour la sécurité et le stockage, des bancs latéraux pour le barreur, une "cellule centrale" composée du puits de la dérive pivotante tenu aux deux bouts par deux cloisons transversales et latéralement par le couvercle des réservoirs de ballast.
Grand Skerry
Mon projet "Grand Skerry" avait été un bon exercice pour la conception du nouveau bateau, car je n'avais repris que les lignes de la coque dessinée par John C. Harris, et j'avais conçu moi-même tout l'aménagement intérieur en ne conservant que les deux cloisons des extrémités.
Bref, j'avais dans ma tête le bateau idéal, et celui-ci n'existait pas encore, ni chez CLC, ni chez mes confrères. Au niveau esthétique, un bateau en était assez proche : il s'agit du Penobscot 17 dessiné par l'américain Arch Davis. C'est un bateau que j'ai longtemps rêvé de construire, j'en avais même acheté les plans, avant de démarrer Arwen Marine.
Penobscot 17, par Arch Davis
J'aime bien son élégance et son aménagement intérieur, cependant il a pour moi plusieurs défauts importants, à commencer par un poids trop élevé (150 kg), une construction compliquée (à clins collés de contreplaqué sur mannequin), et une capacité de charge limitée, interdisant d'embarquer un ballast significatif. De plus, à 5.18 m par 1.63 m, il était un peu trop grand pour rester facile à transporter et à mettre à l'eau. |
Penobscot 17, par Arch Davis
Au Penobscot j'emprunte l'allure générale (elle-même empruntée au Whitehall) et la coque bordée à clin, dont je réduis le nombre de 7 à 6 par coté, et que je réalise en cousu-collé selon le système Lapstitch, qui apporte une étonnante facilité à cette technique de construction. J'ajoute aussi une petite sole étroite qui facilite encore la construction.
Cette sole est inspirée du Sea Bright Skiff, un petit bateau de pêche côtière de la fin du 19e siècle, originaire du nord du New Jersey, et dont la particularité était de sortir et rentrer à travers les rouleaux, du fait de l'absence de port. Je copie aussi les deux bordés de fond du Sea Bright Skiff qui se rejoignent à chaque bout de la sole pour former le brion à l'avant et un "aileron-boite" dans le prolon-gement de la pointe du tableau arrière, dont la forme en coeur est pour sa part empruntée au Whitehall.
CLC n'ayant pas de projet de bateau dans cet esprit, j'ai choisi de m'adresser à un architecte naval pour dessiner les plans du nouveau bateau. En effet, je n'étais pas encore prêt à prendre le temps d'escalader la courbe d'apprentissage qui me permettra de produire moi-même les plans et les fichiers de découpe numérique. Et c'est tout naturellement que je me suis adressé à François Vivier.
En effet, j'aime bien les bateaux dessinés par François Vivier et j'admire le travail énorme qu'il a accompli pour nous permettre de continuer à nous amuser dans de jolis petits bateaux. La grande variété de son travail garantissait pour moi qu'il saurait produire exactement le bateau que j'avais dans la tête. Un de ses bateaux, l'Aber, est assez proche de ce que je souhaitais réaliser (en nettement plus lourd : l'Aber en version contreplaqué à clin pèse 220 kg pour 4.30 m par 1.48 m).
Aber, photo Icaraï
Après un premier contact en décembre 2012, j'ai donc fourni en février 2013 tout mon cahier des charges informel à François Vivier et nous avons affiné les parmamètres généraux ensemble, procédant essentiellement par téléphone et par mail, arrivant sans effort (de ma part en tout cas !) à passer de l'imaginaire à la représentation complète en 3D, qui est l'étape où nous en sommes actuellement.
Il restait à trouver un nom à ce nouveau bateau, et je me suis finalement arrêté sur "Silmaril", du nom de trois joyaux magiques issus du monde fantastique de Tolkien, à qui j'avais déja "emprunté" Arwen et Gandalf.
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